Aller au contenu

L’éco-anxiété : un atout pour la protection de l’environnement ?

Jeune fille souffrant d'éco-anxiété

Éco-anxiété : ce terme ne fait pas encore partie de nos dictionnaires… Et pourtant, nous sommes de plus en plus nombreux à travers le monde à nous sentir concernés. Réchauffement climatique, catastrophes naturelles, effondrement de la biodiversité, pénuries de ressources, crise sanitaire, économique et conflits en tous genres… Il ne s’agit plus seulement de scénarios de fictions, mais bien de notre réalité quotidienne. Les prévisions des experts scientifiques quant à la dégradation des conditions de vie sur notre planète sont alarmantes. Et les actions politiques sont souvent dérisoires face à l’urgence de la situation. L’angoisse, la colère et le désespoir sont alors des réponses adaptatives normales et saines. Ce sont les manifestations d’une souffrance tout à fait légitime. Mais croyez-nous, l’énergie du désespoir peut aussi déplacer des montagnes ! 

L’éco-anxiété, quand la crise climatique chamboule notre existence

La naissance d’un nouveau type d’anxiété

Le terme « éco-anxiété » apparaît dans le monde francophone en 1997. Théorisé par la médecin chercheuse Véronique Lapaige, il désigne l’anxiété générée par une prise de conscience écologique.

L’Académie française définit l’écologie comme la science qui « étudie les corrélations entre les êtres vivants et le milieu qui les entoure », ainsi que les « conditions nécessaires » à leur « développement harmonieux ». L’anxiété est une « inquiétude très vive », liée « à la crainte d’une menace, réelle ou imaginaire.»

L’éco-anxiété survient en réponse aux multiples bouleversements environnementaux qui détériorent nos conditions de vie sur Terre. Cette anxiété souvent systémique n’est pas une maladie mentale, mais une souffrance causée par un grand sentiment d’insécurité. Selon Alice Desbiolles, médecin épidémiologiste, « Les personnes éco-anxieuses sont in fine les personnes rationnelles et lucides dans un monde qui ne l’est pas. »

L’éco-anxiété est souvent confondue avec la solastalgie, terme inventé par le chercheur australien Glenn Albrecht en 2003. Il désigne « la douleur ou la maladie » causée par l’endommagement ou la destruction d’un lieu de vie. La solastalgie témoigne d’un fort lien affectif à la terre. Sa détérioration est vécue par les habitants comme une blessure dans leur propre chair.

Alors que l’éco-anxiété naît de la projection dans un avenir très sombre, la solastalgie regarde plutôt le présent en regrettant le passé. On parle aussi de collapsologie, en référence à l’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle.

Symptômes et conséquences sur nos modes de vie

L’éco-anxiété engendre souvent un mélange de tristesse et de colère. L’inaction politique est vécue comme inacceptable. Les petits gestes quotidiens pour préserver l’environnement semblent dérisoires dans un océan de catastrophes.

Les sentiments d’impuissance et de solitude peuvent nous plonger dans un profond désespoir, voire un état dépressif. L’éco-anxiété peut s’accompagner d’attaques de panique, d’insomnies, de troubles alimentaires ou obsessionnels. La quête d’un mode de vie éthique chez certaines personnes perfectionnistes peut vite rendre le quotidien trop pesant.

Les contraintes sont nombreuses et la charge mentale accablante : hyper-contrôle alimentaire, fabrication de produits cosmétiques et ménagers maison, recherche d’une sobriété énergétique extrême, etc. Cela s’accompagne souvent de culpabilisation, de frustrations et de conflits avec l’entourage. De manière générale, les éco-anxieux remettent profondément en cause la société de consommation. Certains n’hésitent pas à renoncer à leurs projets professionnels ou personnels : études, emploi, activités, voyages, et même au fait d’avoir un enfant. 

A écouter aussi : Maëva Morin, l’éveil à la Terre

« On a été tellement loin qu’on a oublié qu’on n’était qu’un simple morceau de nature, qu’on dépendait de la nature et que si on abîmait la nature, on s’abîmerait avec. »

Boris Cyrulnik

Les éco-anxieux, qui sont-ils ?

La survie et le bien-être de l’être humain dépendent de l’état de son environnement. Il serait donc normal que nous ressentions tous une forme d’éco-anxiété. Mais ce n’est pas toujours le cas. Nos sociétés occidentales se sont fortement déconnectées de la nature au cours de leur évolution.

En valorisant une compréhension rationnelle du monde au détriment d’une approche sensible, nous avons oublié que nous faisions partie de la nature, et qu’elle fait partie de nous. Les éco-anxieux sont particulièrement sensibles à ce lien d’interdépendance, et conscients de la vulnérabilité humaine. Les femmes, les personnes diplômées et la jeunesse seraient particulièrement touchées. Une étude de 2021, réalisée sur 10 000 jeunes de 16 à 25 ans issus de 10 pays différents, démontre que près de 70 % sont « très inquiets » ou « extrêmement inquiets » pour l’avenir de la planète ! 

Transcender son éco-anxiété et devenir acteur de changement

Mieux vivre son éco-anxiété

Voici quelques conseils pour dépasser son éco-anxiété :

  • En parler ! Se sentir écouté et compris par une oreille bienveillante permet de rompre la solitude. 
  • Ne pas se laisser submerger par les informations anxiogènes. Se renseigner, c’est faire preuve de responsabilité. Mais se couper régulièrement des nouvelles catastrophiques est indispensable à la santé mentale. Un travail de pleine conscience permet de se reconnecter au monde « à portée de sens »  et aux petits bonheurs sensoriels du quotidien. 
  • Prendre soin de sa santé mentale. Les symptômes de l’éco-anxiété seront d’autant plus difficiles à vivre en cas de troubles psychologiques préalables. Consulter un thérapeute est bénéfique dans tous les aspects de la vie.
  • Passer à l’action ! C’est parfois plus dur que cela n’y paraît. L’incapacité à élaborer un plan d’action réaliste, la peur d’échouer ou d’être critiqué sont autant d’obstacles qui nous paralysent. Et pourtant, l’action est salutaire ! Pour enclencher le cercle vertueux action/satisfaction, commençons par de petits gestes simples et peu coûteux en énergie. Cela donne instantanément l’impression d’être utile, de reprendre une part de contrôle de la situation et de ne plus la subir. 
  • Créer ou rejoindre une communauté engagée. Le groupe apporte un véritable soutien et un sentiment de sécurité. Les actions collectives sont aussi plus puissantes et ont plus d’impact sur les décisions politiques. 
  • Être tolérant envers les personnes qui paraissent insensibles aux enjeux environnementaux. Elles peuvent nous sembler mauvaises ou stupides de nier l’évidence alors qu’il y a urgence. Mais entrer en conflit ou culpabiliser les autres est le meilleur moyen de provoquer une résistance à toute prise de conscience. .

Agir comme un remède à l’inaction

Anaëlle Marot, Présidente du Projet Azur

Anaëlle Marot - Projet Azur
L’éco-aventurière Anaëlle Marot. Crédits photo C. Detrez

Anaëlle Marot fait partie de ces femmes qui ont réussi à transformer leur indignation en action militante. En 2019, elle crée le Projet Azur pour lutter contre la pollution plastique, en particulier en Méditerranée. En 2020, elle parcourt 1000 km en solitaire sur les côtes méditerranéennes en vélo et en kayak pour animer des collectes de déchets et sensibiliser à la pollution des océans.

Et l’aventure recommence chaque année. L’équipe du Projet Azur s’est agrandie avec l’arrivé de Solène Chevreuil et de Philomène Le Lay. A elles trois, les jeunes femmes ont parcouru plus de 4000kms en 2022. Elles auront touché plus de 48 associations et collectivités par leur dynamisme et leur engagement.

Anaëlle Marot monte aussi désormais sur les planches avec une conférence théâtralisée dans laquelle elle raconte son expérience et embarque le public avec elle, dans son kayak. Agir « avec du fun et de l’efficacité » est fondamental pour donner envie et promouvoir l’activisme. Un puissant remède pour sublimer son éco-anxiété et retrouver l’espoir…

⏩ Écouter son interview : Anaëlle Marot, l’éco-aventurière qui nettoie la Méditerranée

Déborah Pardo, fondatrice de Earthship Sisters

Déborah Pardo - Earthship Sisters
Déborah Pardo au centre, entourée des Earthship Sisters

Déborah Pardo est Docteure en Écologie des Populations. Spécialisée dans l’étude des Albatros, elle démontre l’impact des activités humaines sur leur déclin catastrophique. La qualité de ses recherches est reconnue par la haute sphère scientifique. Mais ses travaux n’aboutissent à aucune mesure efficace de protection des oiseaux.

En 2017, elle quitte tout pour emprunter un chemin plus engagé dans la protection de la biodiversité. L’éco-anxiété lui est familière, mais génère chez cette « optimiste contagieuse » une puissante énergie créatrice. « Qu’est-ce qui manque dans la société pour qu’en tant que scientifique je sois utile ? » C’est en réponse à cette interrogation que naît Earthship Sisters. Déborah en est convaincue : c’est en soutenant le leadership des femmes qu’on accélère la transition écologique.

L’association accompagne chaque année une quinzaine de femmes entrepreneures engagées dans la protection de l’environnement. Le programme de formation associe développements professionnel et personnel, et pratique de la voile, dans un esprit de sororité. Quand l’empathie écologique devient un puissant moteur d’actions constructives…

⏩ À écouter : Déborah Pardo, présidente d’Earthship Sisters : les femmes au secours de la planète 

L’énergie de l’éco-anxiété peut devenir un véritable atout dans la lutte pour préserver l’environnement. Elle nous invite à entrer dans une démarche de reconnexion à la nature, aux autres, et à nous-mêmes. Et à relever les défis qui donneront du sens à notre vie…

Florence Mallet

Sources: 

Eco-anxiété : analyse d’une angoisse contemporaine – Fondation Jean-Jaurès (jean-jaures.org)

Graphique: L’éco-anxiété s’empare de la jeunesse | Statista

Éco-anxiété | Définition et stratégies d’adaptation (e-writers.fr)

Watch | Facebook

[AVS] Solastalgie, éco-anxiété… les nouveaux maux ! – Dr Alice Desbiolles – YouTube

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *