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#22 Lucile Quillet | Le couple hétéro : une arnaque pour les femmes ? (Interview)

Lucile Quillet

Lucile Quillet est journaliste, coach et autrice de deux essais sur la carrière et l’argent dans le couple. Dans son dernier livre publié en 2021, Le prix à payer : ce que le couple hétérosexuel coûte aux femmes, elle pose, avec un brin de provocation, la question suivante : le couple est-il une arnaque ? Passionnée par les questions d’émancipation des femmes et de lutte contre les inégalités, elle est aussi à l’initiative d’une pétition en ligne qui a collecté près de 25 000 signatures en 2017, pour faire progresser l’égalité femmes-hommes au travail. Invitée sur le podcast Les Mariannes, elle parle à bâtons rompus de salaires, de budgets, de travail domestique, de contrats de mariage, d’engagement et même… de Wonder Woman ! Cette dernière va en prendre un sacré coup dans le diadème ! 

Tout savoir (ou presque) sur Lucile Quillet 

Vous l’aurez compris : avec ses multiples casquettes, il y a peu de chances que Lucile s’ennuie ! Et en plus de ses activités liées à l’écriture et au coaching professionnel, elle est conférencière et chroniqueuse pour Welcome to the Jungle.

Depuis plusieurs années, elle met la lumière sur : 

  • les problématiques associées au travail des femmes ;
  • leur rapport à l’argent ;
  • les inégalités qui persistent au sein du couple.

Dans la vie, Lucile Quillet est par ailleurs :  

  • fan de Lady Gaga ; 
  • amatrice de tapis kilims créés en Anatolie ;
  • originaire de la Drôme ;
  • en résidence à l’étranger ;
  • passionnée de pop culture.

Enfin, bien qu’elle évoque beaucoup la question du travail, elle peut avoir tendance à procrastiner…

Ecrire sur la place de l’argent dans le couple

La journaliste a projeté d’écrire son essai suite à de nombreuses prises de conscience autour de la question de l’argent et du travail dans le ménage. 

D’abord, le travail des femmes : elle le définit comme un kaléidoscope de tâches qui entraîne de multiples problématiques. Commençons par les tâches visibles, c’est-à-dire les activités rémunérées. Lorsque dans un couple hétérosexuel, les deux partenaires ont un emploi, la priorité est généralement donnée à celui qui a le salaire le plus élevé… soit l’homme en général. D’où des déroulements de carrière très inégaux et un impact sur les finances important.

Les tâches invisibles en second lieu : de quoi parle-t-on ? De tout ce qui concerne les besoins de la famille : les taches domestiques, la charge des enfants et même celle des personnes âgées. Car les aidants de ces dernières sont le plus souvent… des aidantes !

Ensuite vient le sexisme ordinaire. De nombreux stéréotypes sur l’argent circulent encore. Les femmes et les finances ne feraient pas bon ménage ! La journaliste a pu parallèlement constater, en enquêtant, que les conseils donnés par les banquiers sont fréquemment inégalitaires et plutôt en faveur de l’homme.

Enfin, les dépenses financières propres aux femmes sont conséquentes. Les charges gynécologiques et contraceptives ou les charges esthétiques (habillement, coiffure, maquillage…) sont entièrement assumées par les conjointes. De ce fait, leur épargne est moins importante. Tout cela au nom de quoi ? De l’amour ! Dans l’esprit de bon nombre de compagnes, le couple rime avec un idéal dans lequel on ne compte pas. Se soucier d’argent, c’est souvent considéré comme vilain, sale. Le stéréotype de la femme vénale n’est jamais très loin non plus.

S’appuyer sur des chiffres fiables

Lucile Quillet souligne que les femmes sont souvent mises à l’écart des discussions financières ou alors, on leur réplique : « T’as choisi de t’arrêter de travailler pour élever les enfants, non ? » Ou encore : « Il fallait réfléchir avant ! » 

Notre invitée a donc souhaité s’appuyer sur des statistiques fiables pour étayer ses arguments. Notons que ce travail de collecte de données est très souvent mené par des femmes, massivement représentées dans le milieu des statistiques et de la recherche. 

Ces données ont permis à l’essayiste de mettre en perspective des éléments déjà sur la table, apportant ainsi davantage de crédit à ses propos. Un chiffre important à retenir ? 42 % d’écart de revenus entre les hommes et les femmes. Vous aurez compris que l’écart est en faveur des messieurs.

Penser le budget du couple : 50/50 ou calcul au prorata ?

Constatant que les inégalités en termes de salaire et d’épargne sont flagrantes dans le couple hétéro, Lucile Quillet nous invite à nous pencher sur les finances du foyer.

Deux modèles économiques majeurs dominent dans le couple 

Faire 50/50 

Il s’agit de contribuer aux dépenses à la même hauteur. C’est généralement le modèle choisi, encouragé par l’image de la femme émancipée qui assume sa part.

Les problèmes que ce modèle soulève ? Si les disparités de salaire sont importantes, la personne la moins bien payée sera lésée, parce qu’elle n’aura pas la capacité d’épargner.

Le prorata 

Ce modèle prévoit des contributions proportionnelles aux revenus de chacun. Bien qu’il paraisse plus équitable, le prorata présente parfois un écueil. Notre invitée appelle cela « l’effet d’entraînement » : la personne qui gagne le plus donne le ton sur le niveau de vie. L’autre partenaire paiera alors davantage que si elle avait opéré un choix plus en adéquation avec son niveau de vie. 

 Elle donne l’exemple de l’appartement plus grand souhaité par celui qui a le plus gros salaire ou encore, des vacances à l’étranger plutôt qu’en camping. 

Deux pistes pour équilibrer les questions d’argent 

  • Tout d’abord, se lancer avec de l’indulgence et de la patience. Ces conversations sur les questions d’argent et de budget sont à réitérer régulièrement, car peu habituelles dans un couple. Elles provoquent généralement une gêne, malgré tout l’amour présent entre les deux personnes.
  • Éviter un biais : celui de penser en matière de revenus disponibles. Il lui semble bien plus intéressant de raisonner en termes d’épargne disponible. C’est ainsi que le prorata pourra devenir équitable.

Mariage, PACS, concubinage : quelle forme d’union privilégier ?

« Les unions libres et les PACS gagnent du terrain, tout comme le régime de séparation des biens. Or les couples continuent de se séparer et souvent, les femmes continuent de s’appauvrir un peu plus au nom du couple. »

Lucile Quillet, Le prix à payer


Si une nette évolution sociologique se dessine depuis plusieurs années autour du choix de l’union, les statistiques après séparation sont assez alarmantes. Lors d’une rupture, l’appauvrissement de la femme est fréquent. La baisse du niveau de vie pour elle est de 20 %, contre 3 % pour les hommes. Cet écart se maintient 2 ans après un divorce en général.

Dans ce contexte, quelle forme d’union protège le plus les femmes ?

Nos mères et nos grands-mères, qui ne percevaient pas de revenus, n’avaient d’autre choix que de se marier sous le régime de la communauté des biens. En cela, elles étaient protégées. Aujourd’hui, les femmes occupent en majorité un emploi et se marient moins. Dans le même temps, elles continuent d’assurer 72 % des tâches domestiques de base, et plus de 70 % des responsabilités parentales. Elles couvrent aussi la plupart des postes à temps partiel. 

Conséquences : 

  • Elles sont plus exposées en cas de séparation ou de décès de leur conjoint ;
  • Elles sont lésées par les années de cotisation à la retraite manquantes et par la capitalisation moindre.

Le remède réside-t-il dans le mariage, plus protecteur d’un point de vue juridique ? Pas forcément, répond Lucile Quillet. 

Loin d’imposer une injonction, notre invitée nous invite à réfléchir et à envisager des solutions plus globales :

➡️ À l’échelle de l’État : 

  • dépoussiérer l’administration ;
  • ouvrir les droits des mariés aux autres (le droit à la pension de réversion, par exemple) ; 
  • repenser la place du travail « invisible ».

➡️ Dans le couple : 

  • s’interroger sur le rapport au temps et au travail des 2 partenaires ; 
  • anticiper, trouver des alternatives ;
  • réfléchir à la manière de protéger chacun en cas de problème. C’est aussi un acte d’amour !

Démystifier Wonder Woman !

Wonder Woman, un modèle à suivre ?

Dans son livre, Lucile Quillet l’évoque comme étant une véritable arnaque ! On ferait croire aux femmes qu’elles peuvent tout avoir, à condition de tout faire, toute seule ! Quid de l’implication du conjoint, de l’engagement de l’État et des entreprises dans ce schéma-là ? Si vous croisez Wonder Woman, passez votre chemin !

10 propositions pour l’égalité professionnelle

Avez-vous entendu parler de la pétition en ligne lancée pendant la dernière campagne présidentielle par le collectif Femmes et Travail ? Elle regroupe 10 propositions rédigées par 6 femmes du terrain, sur la thématique du travail des femmes pour plus d’égalités. Lucile Quillet fait partie du collectif à l’origine de cette pétition qui a recueilli (à ce jour) près de 25 000 signatures ! Le sujet mobilise, les hommes y compris. 

Conseils concernant le travail et l’engagement 

En tant que coach professionnelle, Lucile livre quelques conseils aux femmes :

  • éviter de vouloir faire comme les hommes ; 
  • remettre le coaching professionnel à sa juste place (tout ne repose pas sur notre responsabilité individuelle) ;
  • être plus égoïstes et prétentieuses (parce que les femmes ont de la marge !) ;
  • se rattacher au collectif pour échanger et prendre confiance.

De son côté, comment Lucile Quillet fait-elle pour concilier sa vie professionnelle avec son engagement et sa vie privée ? Déjà, elle se refuse à choisir entre tous les projets qu’elle mène. Alors, elle donne une place spécifique à chacun dans la semaine. Et elle fait le plein d’énergie ! Comment ? En puisant dans la force de l’écriture et des retours de ses lecteurs ou lectrices, via les réseaux sociaux notamment. S’inscrire dans un collectif (au sens large du terme) permet de s’appuyer sur l’engagement des autres et de passer le relais si nécessaire. Et quand ça déborde trop ? Quoi de mieux que de feuilleter un beau livre sur les tapis kilims ? Écouter le podcast Les Mariannes, peut-être ! 

Christine Irabola, Rédactrice web SEO

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