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Violences anti-LGBTQIAP+ : une hausse terrifiante et des pistes d’action

Agressions physiques et verbales, discriminations, hostilité visible, lois régressives ou clémence des tribunaux envers les agresseurs… Malgré une progression des droits dans certains pays, les violences anti-LGBT+ sont en hausse depuis plus d’une décennie, comme le montrent différents rapports alarmants. Les personnes LGBTQIAP+ (Lesbienne, Gay, Bi, Trans, Queer, Intersexe, Asexuel, Pansexuel et +, simplifié en LGBT+) subissent de plein fouet une haine désinhibée partout dans le monde. En France, entre 2016 et 2021, les services de police ont enregistré une augmentation de 104 % des plaintes pour crime ou délit envers des personnes de la communauté LGBT+. Le constat est similaire dans toute l’Europe, alertent les associations et le Conseil de l’Europe. Et, dans le monde, l’homosexualité est légalement réprimée dans 69 pays sur 193, dont une dizaine par la peine de mort. 

La violence anti-LGBT en forte augmentation

L’ILGA (Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes) publie régulièrement des rapports sur les droits des personnes « queer » dans le monde. En février 2023, son rapport annuel montre que l’année 2022 a été la plus violente envers la communauté LGBT+ depuis 12 ans. 

1/ En France : hausse de l’intensité de la violence

Agressions verbales et physiques

Dix ans après le vote de la loi Taubira légalisant le mariage de deux personnes du même sexe, les actions de ses opposants ont toujours une audience significative dans les médias. La campagne présidentielle a montré l’escalade des discours de haine et d’exclusion, et les actes homophobes et transphobes sont comme décomplexés. Banderoles haineuses sur le passage de la Marche des Fiertés, insultes, agressions physiques, nombreuses sont les atteintes violentes aux droits des personnes LGBT+, avec un rebond depuis la pandémie mondiale. Rappelons également que la possibilité de donner son sang pour un homme homosexuel sans délai d’abstinence n’est autorisée que depuis mars 2022.

Mutilations sur les enfants intersexes

De nombreux enfants intersexes subissent encore des opérations chirurgicales et/ou traitements hormonaux afin de leur assigner un genre dès les premières années, donc sans leur consentement. Plusieurs associations se battent pour faire changer la loi et les pratiques médicales, soutenues par les recommandations de l’ONU, qui depuis 2016 considère des usages comme une mutilation et une violation des droits fondamentaux. 

Violences quotidiennes

Selon le rapport de l’association SOS Homophobie, les crimes et délits relevés par la police ont augmenté de 12 % depuis 2019. Cela ne constitue que la partie immergée de l’iceberg, car en moyenne une personne sur cinq porte plainte en cas d’agression physique, et moins de 5 % en cas d’injures. Si les mentalités ont bien évolué ces 40 dernières années, il reste encore de nombreux cas de LGBTIphobie avec violences intrafamiliales, ou du harcèlement scolaire. Ceci explique notamment le très fort taux de suicide chez les adolescents queer : selon les études, leur passage à l’acte suicidaire est 2 à 4 fois plus élevé que chez les adolescents cisgenres (dont l’identité de genre correspond avec le sexe assigné à la naissance).

2/ En Europe : une haine décomplexée

Attentats anti-LGBT+

En 2022, deux attentats anti-LGBT ont été perpétrés en Europe. En juin 2022, un individu radicalisé ouvrait le feu dans un bar gay à Oslo, faisant 2 morts. En octobre, un jeune néonazi tuait deux personnes à Bratislava, en Slovaquie. 

Forte opposition à l’European Pride

Une semaine avant la Marche des fiertés européenne 2022, des milliers d’opposants d’extrême droite ou religieux ont manifesté dans les rues de la capitale serbe pour s’opposer au défilé paneuropéen. La Mairie de Belgrade a donc voulu annuler l’European Pride, par peur d’affrontements très violents, et la Marche s’est finalement déroulée sous protection de la police antiémeute. 

Montée de l’exclusion des trans

En ligne, les TERF (Trans Excluing Radical Feminist — ou féministes excluant les trans) se déchaînent contre la transidentité féminine et considèrent qu’une femme trans est « un potentiel agresseur de femmes » ; ces personnes sont très actives en ligne et souvent très proches d’organisations conservatrices ou d’extrême droite. 

Lois répressives

Du côté législatif, la Hongrie a voté en 2021 une loi interdisant la « promotion » de l’homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs. 15 pays, dont la France, se sont joints à la procédure de la Commission européenne visant à faire annuler cette loi. Les propos haineux de la part de politiques sont également pointés du doigt, notamment au Royaume-Uni dont certains politiques et médias grand public développent un discours anti-trans très violent.

Outings et harcèlement

Le rapport de l’ILGA montre également une hausse des cas de suicide, notamment à cause d’outings non désirés : certaines personnes sont exposées comme LGBT+ contre leur gré sur les réseaux, et deviennent la cible d’attaques directes venant de leur entourage (harcèlement au travail, du voisinage ou de la famille). 

3/ Dans le monde : des lois discriminatoires violentes

Manque de protection législative et morale

Sur les 54 pays d’Europe et d’Asie centrale étudiés par le rapport annuel de l’ILGA, encore 20 ne se sont pas dotés de protection législative concernant les crimes de haine basés sur l’orientation sexuelle, et 28 au sujet de l’identité de genre. 

Dans de très nombreuses zones d’Afrique subsaharienne, les personnes LGBT se cachent de peur d’être découvertes, agressées ou assassinées, selon l’association Amnesty International. Quarante pays n’offrent aucune protection juridique, et les relations homosexuelles sont passibles de la peine de mort dans 9 pays du monde, dont l’Arabie saoudite, l’Iran, le Soudan et le Yémen.

Promulgation de lois de criminalisation en Ouganda

En mars 2023, le président ougandais a qualifié les gays de « personnes déviantes », alors que la communauté internationale lui demandait de rejeter une loi contre l’homosexualité adoptée par le parlement de son pays. Cette loi prévoit de lourdes peines pour les personnes ayant des relations homosexuelles, ou se revendiquant comme LGBTQ+. L’homosexualité est passée d’illégale à criminelle, et les peines pourraient aller jusqu’à la prison à vie ou à la peine de mort. 

Augmentation des lois régressives aux États-Unis

Aux États-Unis, certains États conservateurs renforcent leur arsenal législatif. Au cours des 3 premiers mois de 2022, 238 projets de loi LGBTphobes ont été déposés aux États-Unis, ciblant principalement les personnes trans. C’est une accélération sans précédent, qui a multiplié par 6 le nombre d’attaques conservatrices par rapport à 2018, sous l’administration Trump. En Floride, le gouverneur Ron Desantis, avec sa loi « Don’t say Gay », veut interdire d’aborder les questions d’orientation sexuelle ou de genre dans les écoles, au prétexte de ne pas « vouloir influencer les enfants ». L’Iowa est le 11e État américain à interdire l’accès aux compétitions sportives féminines aux femmes trans, alors qu’un jeune Américain sur 5 se déclare LGBT+. L’association Freedom for All Americans recense seulement 24 États américains disposant de lois protectrices pour les LGBTQ+. 

Des pistes pour agir contre les violences anti-LGBTQIAP+

1/ Pratiquer la pédagogie à tous les âges

On ne le dira jamais assez : c’est d’abord et avant tout l’éducation qui permet de limiter les discriminations, et donc les violences qui en résultent. L’éducation à la différence, l’écoute, dès le plus jeune âge, permettent la normalisation de toutes les vies. Cette sensibilisation passe aussi par une éducation à la sexualité dans son ensemble, qui est prévue par la loi en France, à raison de 3 séances par année scolaire, mais rarement mise en œuvre. Or, comme l’affirme l’UNESCO, il est prouvé que l’éducation à la sexualité n’entraîne pas une arrivée précoce dans la vie sexuelle, et au contraire, cela permet aux jeunes de se comprendre et de comprendre leurs congénères. Les associations SOS homophobie, Sidaction et le Planning familial ont attaqué l’État français début 2023 pour mettre en application la loi de 2001 sur l’éducation à la sexualité. Les études lancées par les associations militantes ou l’INSEE contribuent à rendre visibles les violences envers les LGBT+, et à sensibiliser aux problèmes. D’autres associations organisent des actions de formation en direction des professionnels (agents publics, enseignants, forces de l’ordre, etc.) pour une meilleure prise en charge des personnes discriminées ou violentées. Connaître le sujet, avoir l’approche adéquate et le vocabulaire approprié, permettent d’accueillir au mieux les personnes qui en ont besoin, qu’il soit un élève, un citoyen majeur, un usager, un réfugié, un enfant, un ado, un proche… Plus il y aura d’alliés, plus les mentalités avanceront.

Pour les plus âgés, il faut continuer à sensibiliser le public aux problématiques rencontrées par les personnes LGBTQ+, par le dialogue notamment. Car non, tonton René, on ne demande pas à une femme trans « ce qu’elle a entre les jambes ». À personne, d’ailleurs. Les journées de sensibilisation comme celle du 17 mai, journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie permettent de faire connaître les enjeux liés à la vie des personnes LGBT.

2/ Banaliser la queerness 

L’homosexualité a beaucoup été invisibilisée dans les médias. Les rôles queer des séries ou films ont longtemps été des figures vues par leur sexualité, et non pas en tant que personnalité. La normalisation de rôles dont la queerness n’est pas le centre de l’histoire est récente, et encore très marginale. Or cela participe à la normalisation du fait queer, à sa banalisation et donc à son acceptation par la majorité des personnes. La multiplication des œuvres incluant des modèles positifs, sans tirer vers un pathos social, apporte une vision normalisante, dans le sens où le fait même d’exister n’est pas nié et est naturel. 

Des événements récurrents comme la Marche des fiertés mettent sur le devant de la scène des modes de vie moins traditionnels pour les rendre visibles. Depuis la première Pride en 1970 à New York, de nombreuses marches ont eu lieu dans des pays de plus en plus nombreux. Malgré les obstacles toujours fréquents (certaines villes ou certains pays ont encore du mal à accepter qu’une marche des fiertés soit organisée chez eux), ces événements contribuent à la visibilité des LGBT+, et permettent à une partie de la population autrefois cachée de se savoir moins seule. 

3/ Lutter pour l’inclusivité

À tous les niveaux, il est possible d’agir. Que l’on soit LGBT+ ou allié, chacun peut apporter sa pierre pour travailler à l’inclusion de tous les genres de vie. Par exemple, certaines communes en France se voient décerner le label « Rainbow city ». En France, Paris et Bordeaux ont reçu ce label, qui valorise la mise en œuvre de politiques communales permettant des actions transversales en faveur des LGBTIQ+. Cela peut passer par en réfléchissant à un meilleur accès aux soins, moins discriminant, ou par des subventions ou octroi de locaux aux associations.

De nombreuses organisations luttent pour les droits des LGBT+, chacune à leur manière. Des associations locales organisent la Marche des fiertés, mais proposent aussi des expositions ou des lieux de rencontre, comme c’est le cas du Girofard à Bordeaux. SOS Homophobie publie régulièrement un état des lieux en France, et engage des actions pour l’éducation à la sexualité. Amnesty International informe et agit pour les droits humains de manière générale. Au niveau gouvernemental, la Dilcrah (délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) propose des ressources permettant de sensibiliser tous types de publics.

Dans une période d’incertitudes et de crispations, la violence anti-LGBT+ connaît une recrudescence dramatique, à tous les niveaux et dans le monde entier. Ne relâchons pas notre vigilance, car lutter pour les droits de tous.tes doit rester un acte de démocratie fondamental. Chacun à son niveau, il est possible d’agir.

Et vous, comment pensez-vous devenir un allié ?

A lire aussi : Soft skills : 8 forces indispensables en politique

>> A écouter

Le podcast des Mariannes, avec Morgane et Selma, qui travaillent au Girofard de Bordeaux

>> Des sites d’associations pour agir

ILGA 

Dilcrah 

Sos homophobie 

Le Girofard 

SOS Transphobie 

Amnesty International 

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