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Sexisme en politique : encore un long chemin à parcourir

Fin 2021, l’apparition du hashtag #MeTooPolitique bouleverse les milieux politiques de notre pays. Empouvoirées par les mouvements de libération de la parole, les femmes engagées osent, à leur tour, dénoncer les violences sexistes et sexuelles dont elles sont victimes. Depuis, les affaires se succèdent et de nombreux dirigeants politiques, tous partis confondus, sont accusés de viol ou de violences dans l’exercice de leurs fonctions. Longtemps considéré comme la chasse gardée des hommes, le pouvoir reste très majoritairement masculin, en dépit des lois de parité. Du Palais Bourbon au Sénat, en passant par les assemblées locales ou les partis politiques, les femmes sont minoritaires aux postes exécutifs et font l’objet de violence et de comportements sexistes. Au point qu’une femme sur trois a déjà pensé à abandonner la politique. Mais des solutions existent pour lutter contre ce phénomène. Notre société aura-t-elle enfin le courage de s’attaquer véritablement au sexisme en politique ?

74 % des élues locales confrontées à des comportements sexistes 

Le sexisme en politique vise à rappeler aux femmes qu’elles ne sont pas à leur place. Élues Locales, premier réseau national des femmes élues, a dévoilé fin 2021 les résultats d’une analyse menée dans tous les départements auprès de 1 000 femmes impliquées en politique. L’enquête portait sur les violences sexistes subies pendant leur fonction.

Les résultats sont édifiants : insultes, agressions verbales et physiques sont le quotidien de plus de 74 % des femmes politiques, soit près d’une femme sur quatre. Pourtant, seulement 1 agissement sur 2 est rapporté aux responsables politiques. Et dans seulement 10% des cas, des dispositions sont prises suite aux dépôts de plainte.

Les partis politiques ont une grande responsabilité dans ces comportements puisque les chefs de partis sont quasi exclusivement des hommes. Minoritaires, parfois tenues à l’écart et victimes de sexisme, les femmes sont 48% à ne pas se sentir légitimes à leur poste. Parmi elles, 20% ont subi des remarques liées à leur physique et 5% déclarent avoir subi des menaces, des tentatives d’intimidation et des violences physiques. Enfin, 3% ont déclaré avoir été menacées de mort ou de viol et 1% d’entre elles ont confié avoir été frappées. Ces violences sexistes touchent aussi les journalistes et collaboratrices politiques.

⏩ Retrouvez les témoignages édifiants d’élues locales victimes de sexisme dans l’épisode du podcast : Me Too Politique, l’enquête électrochoc.

Entre discrimination et dénigrement, un milieu parfois hostile 

Dans un environnement créé par les hommes et pour les hommes, les logiques de « boys’club » ou de « fratriacat » perdurent. Les femmes qui osent s’y aventurer s’exposent donc à un cortège de confrontations en tous genres. Le HCE (Haut Comité à l’Égalité entre les femmes et les hommes) a édité, le 7 mars dernier, son rapport annuel 2022 sur l’état du sexisme en France. Il est sidérant. Des femmes politiques y témoignent des différents aspects que cette domination peut revêtir.

D’abord, on note l’appropriation de la parole par les hommes : en 2017, le temps de parole des hommes députés était plus important de 62% à celui des femmes à l’Assemblée nationale. Au quotidien, les discriminations et autres incivilités sont courantes : comportements paternalistes ou racistes, humiliations, insultes, interruptions de paroles et blagues sexistes. À cela s’ajoutent les attitudes intrusives ou insistantes, comme des “regards soutenus”, des mimes d’actes sexuels ou des agressions physiques ou sexuelles.

⏩ Dans l’épisode 21 du podcast Les Mariannes, Victoria Jolly, militante, raconte pourquoi elle a porté plainte pour agression dans le milieu politique.

⏩ Dans l’épisode 2 du podcast Les Mariannes, Pauline Rapilly-Ferniot, conseillère municipale, relate une scène de sexisme ordinaire au sein de son assemblée.

Comment lutter contre le sexisme en politique ?

Le HCE préconise 25 recommandations pour lutter contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles dans le monde politique. En voici quelques-unes:

  • Étendre les dispositifs égalitaires dans les villes de moins 1 000 habitants pour les exécutifs locaux et intercommunaux. La Députée Elodie Jacquier-Laforgue a fait adopter une proposition de loi en ce sens, au printemps 2022. Écoutez son interview dans l’épisode 15 des Mariannes ;
  • Instaurer des règles paritaires au sein des assemblées parlementaires ;
  • Rééquilibrer la répartition des délégations et des responsabilités administratives entre les femmes et les hommes élus.es dans les assemblées locales.
  • Instaurer une peine d’inéligibilité pour les élus condamnés pour violences sexistes et sexuelles ;
  • Étendre les missions de la Haute Autorité pour la Transparence dans la Vie Publique à la question du respect de l’éthique en politique.
  • Enfin, en période électorale, comptabiliser le temps de parole hebdomadaire accordé aux femmes et aux hommes, sur le modèle du rapport annuel du CSA.

Conclusion 

Depuis l’instauration du suffrage dit « universel » en 1848 (mais en réalité masculin), l’homme a pris l’habitude d’exercer seul le pouvoir politique, excluant de fait les femmes de la citoyenneté. Il en a créé chaque règle. Par conséquent, une fois que la loi leur a enfin permis d’accéder au pouvoir, elles n’en maîtrisaient pas les codes. Aujourd’hui, elles ne sont toujours pas pleinement intégrées et respectées. Certaines finissent d’ailleurs par renoncer et quitter la politique. Avec le mouvement de libération de la parole, les lignes commencent à bouger, mais le chemin reste encore long pour les femmes engagées de notre pays.

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Géraldine Vignaud

Sources :

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